Mi(s)ScellaneaCorine

Mi(s)ScellaneaCorine

A fleur ''de pot''

 

 

 

Etant peu inspirée par les synthèses, je ne le suis pas davantage pour les titres !

 

 


Trois anecdotes, dont l'ébauche d'un portrait. 

Je ne vais pas faire l'affront à ceux auxquels ces pages renvoient de me plaindre de ce qu'ils ont enduré. C'est tout autre chose.

Il y a un tout petit trait comique à tirer des situations qui suivent, ainsi qu'un prétexte pour signifier mon respect à plusieurs titres envers une parente. Etant donné ce qui va suivre, je choisis de la couvrir d'un surnom. Appelons-la Liliane.

 

L'appréciation de la retenue, ou le flux de l'abandon de nos aveux ou de nos effusions pourraient faire débat. On ne dit pas tout, on ne montre pas tout à tout le monde.

Il est plutôt flatteur et assurément touchant d'être dépositaire de d'histoires. Toutefois, j'y oppose que je n'ai jamais demandé à tout voir. Entendre, ou lire est moins compliqué. Il va de soi que j'apprécie aussi d'être écoutée, entendue, comprise. C'est humain.

 

S'il est possible de le faire avec des rapports sans conséquence, ou déplaisants que l'on nous fait, il est impensable de repousser les confidences. Il est encore moins acceptable de répéter ce que l'on vous a demandé de jurer de laisser sous silence.

 

 

Mais il ne s'agit pas tout à fait de cela et d'ailleurs, j'ai digressé depuis le temps que je ne racontais plus rien ici. 

 

 

 

Un peu de tragi-comique, donc :

pour ce qui concerne ma petite expérience, j'ai observé que les quelques personnes que j'ai connues, sorties triomphalement d'un accident affectant sérieusement ce gardien de premier ordre qu'est notre peau, étaient si heureuses de leurs cicatrisations - aussi impressionnantes étaient-elles - qu'elles étaient prises de l'impérieuse nécessité de me gratifier de l'honneur de les voir de fort près.

Il faut plausiblement aboutir à la conclusion que, n'ayant pas une tête de bonne soeur, je devais (dois ?) avoir celle d'une infirmière (j'aurais bien été incapable d'exercer ce métier. Si l'on vous donne un stage à faire chez les grands brûlés, eh bien, vous allez chez les Grands Brûlés. Pas question de regarder le ciel, ou ses pieds. Ne pas pleurer devant eux non plus).

Je ne suis pas une toute petite nature, mais la marée de mes émotions tanguait à la vue des cicatrices.

 

Le premier qui s'en remit à une imperturbabilité que je possède toujours pas fut mon grand-oncle Jojo. Il s'en fallut de peu qu'il ne perde un auriculaire, presque tranché. Les chirurgiens firent du travail de haute couture. Il leur en était reconnaissant et fier. Mon grand-oncle, que j'avais toujours connu avec un sourire presque permanent, avait, tandis qu'il m'en faisait le récit, ôté son pansement. Il me montrait un auriculaire bien entier qu'il ne pouvait plus tendre, mais était-ce bien important ? (bien que les 2 mots - pour le doigt et l'oreille - soient siamois, la toilette auriculaire se fait plus sainement avec un coton-tige, ou un spray).

Son sourire était celui d'un enfant empreint d'une gratitude fanatique envers la science. Cette reconstitution dont je voyais les fils chirurgicaux comme de petits sergents fermant méticuleusement la plaie comme une marche était admirable. Il me raconta la rapidité qu'il avait fallu pour le sauver de cette perte, mais ne me dit rien de la peur, ou de la douleur que j'imaginais.

Je comprenais ce qui l'animait, mais n'appréciais pas outre mesure ce qui devint chronique. Son époque était celle où on soulevait son chapeau pour saluer, mais je n'étais pas totalement fanatique de le voir enlever son pansement avant de le remettre en signe d'accueil après nos bises. C'était un comme un mur incendié dont on a éteint le feu.

Je revois toujours Jojo travailler ou bricoler, même à la retraite dans son petit garage fourre-tout. Je me souviens de lui dans ses tours de papiers, levant comiquement les yeux par-dessus ses lunettes, derrière ces piles. Menuisier-ébéniste, métier admirable, il avait construit sa petite entreprise. Plus jeune, il avait fait son service dans la Marine. Ca me faisait rêver.



Des années plus tard, ce fut le tour de Bernard (prénom fictif) avec qui je ne partageais que le point commun de notre lieu de travail. Ce n'était ni un ami, ni un copain, mais j'étais devenue une souriante (paraît-il) habitude. Je l'ai pris en cours, mais je crois qu'il avait toujours été là. Je l'écoutais et répondais. Il me faisait un peu de peine mais je le trouvais par moments un peu ''m'as-tu vu''. En l'écoutant, j'hésitais sur la raison de certains déballages, me demandait où il se tenait, entre complexes et forfanterie. Il ne me demandait pas si j'avais le temps. Je reconnais qu'il est la seule personne que j'aie jamais écoutée en m'ennuyant souvent. C'est vache ? Mais non, j'ai caché le nom.

Un matin comme les autres, alors que le travail s'amoncelait, il m'accorda sans que je la demande la préséance de ses confidences. Il me fit part de la greffe parfaite dont il avait bénéficié en urgence. Après m'avoir livré avec rigueur les détails de cette chirurgie qui m'impressionnait indiscutablement, il se plaça en parallèle à mon côté droit, souleva sa chemise afin de me montrer une imposante cicatrice de plusieurs couleurs dont un rouge encore bien vif, un peu enflé du haut de son bras. Tout n'était pas réglé. Je vacillais intimement, sans bouger une oreille. On a du tact, ou on n'en a pas.

Je retire ce que j'ai dit : une petite nature doit se cacher en moi. J'essayai de penser ailleurs, de léviter, je quêtais pragmatiquement l'azur d'un oubli fracassant. un déphasage temporel. Peine perdue.

Mon satané air d'infirmière. Mais pourquoi ? Je pensai pauvrement : « c'est pas vrai, quelle veinarde je suis, quel pot, je vais forcément le payer dans une réincarnation ». Incertain Bien sûr que c'était affolant et merveilleux qu'il ait pu bénéficier de cette réfection, mais j'aurais tout autant participé à son bonheur sans l'image. Sincèrement.

C'est vrai, mais je quitte la cool attitude. Les années passant, il me démontra de quel égoïsme il était capable, ce qui le priva d'une écoute polie. Il en avait d'autres. Le ''boudoir'' repris son silence relatif seulement coupé par l'ordinaire d'un poste, ou des affinités.

 

 



Nous en arrivons à - appelons-la Liliane - dont je vais développer brièvement une part de la personnalité comme promis !

Liliane était une personne fort aimable, brave. Pupille de la nation, elle avait mené sa vie, avait épousé un instituteur et travaillait elle même dans l'Administration. Tout roulait. Elle n'avait peur de rien, avait suivi son mari en avion, en bateau, en barque (pour la dernière étape, histoire de ne pas avoir embarqué pour rien) jusqu'en Afrique à de multiples reprises. Coquettement, elle remontait de temps en temps ses cheveux en discutant.

Liliane était simple, naturelle, savait parler et écouter.

Pour mon père qui travaillait en moyenne 15 heures par jour, c'était le prototype duquel on avait dû partir pour construire les fonctionnaires (il se rangea à plus de modération quand il découvrit plus tard qu'il y en a plusieurs modèles). Quoiqu'ayant de l'affection pour elle, il se montrait effondré (en rajoutant pour nous faire rire) et nous contait parmi les souvenirs de sa prime jeunesse son effarement quant à l'effort que Liliane fournissait durant 40 heures par semaine. Une main sur le front, il se demandait où elle les passait : « je suis arrivé, c'est pas compliqué, à 14 h, elle parlait, je suis passé après lui avoir pris ce qu'elle voulait, malheur, elle parlait, je suis revenu à vers 17 h, elle parlait !!! Mais qu'est-ce qu'elle avait à dire ? »

Il s'étonnait souvent que l'on discoure longtemps. Je n'eus pas le privilège de constater, amusée, le rythme de Liliane, puisqu'elle était à la retraite depuis un bon nombre d'années quand j'aurais été en âge de le faire.

 

Lors d'une de ses visites, elle me raconta un accident domestique, aux prises avec une casserole bouillante. Ouïe :-( Brûlure grave, soins et suites. Elle semblait radieuse de l'issue. Ayant une forte affection pour elle, j'avais pris volontairement place au repas à ses côtés. On devine le début de la suite.

Comparée à Liliane, je souffre certainement d'un blocage citadin, bien qu'assez spontanée.

Joignant le geste à la parole, elle entreprit de me montrer la partie lésée et la cicatrisation en cours. Pour ce faire, elle leva les bras, souleva une partie de son chandail, tourna le bras gauche en appuyant sur la peau pour la faire glisser de mon côté et me faire admirer le ''re-couturage'', laissant tomber à mon grand ébahissement sa poitrine sans soutien-gorge sur la nappe, sans cesser (en effet !) de parler.

J'ai peu de self-control, aussi je ne sais comment je me retins de rire en détournant légèrement la tête, tout en commentant et répondant.

Tout aussi naturelle, Liliane remballa sa poitrine et se rhabilla.

Je comprends tout à fait le bonheur et la reconnaissance intérieure que l'on peut ressentir d'avoir évité le pire, encore une fois, mais elle reste décidément un des personnages à part que j'ai connus. C'était avant Bernard mais je la garde pour la fin comme le bon vin pour parler un peu de ses mérites.



Liliane avait un gros coeur. J'ai vu une photo en noir et blanc de 3 jeunes filles dans le vent de l'époque qui semblaient toutes trois regarder la vie en face. Liliane, ma grand-mère paternelle et Adrienne.

Je ne sus jamais ce qu'il arriva à Adrienne que je ne connus pas. On me raconta difficilement qu'elle était hospitalisée en Psychiatrie depuis des années. Elle n'en sortit jamais. On me dit qu'elle s'y trouvait très bien et probablement ne s'adapterait pas plus qu'avant à la vie "normale".

J'avais beau connaitre par coeur et avoir tant chanté “ 'cause I'd rather stay here with all the madmen than perish with the sad men roaming free ", peu après ma majorité, ayant un sentiment peu chaleureux envers la vie "normale", cette issue entre des murs dont elle ne sortait pas m'effrayait. Il devait bien y avoir une raison, elle avait un bon mari, avait l'air comme tout le monde. Mais....

 

 

Demander ce qu'il relevait du vécu d'Adrienne fut vain. C'était une génération où le sujet psy était tabou. On dit bien ''perdre la raison''. Il ne devait probablement pas falloir parler de cette chose qu'on ne retrouvait jamais. Impossible de savoir la vérité. Encore un secret. Je n'ai jamais, aussi longtemps que je m'en souvienne, apprécié les secrets de famille, les non-dits. Ces secrets n'habitaient aucun jardin, mais des coins obscurs comme s'ils étaient honteux. Je pense qu'ils en sont devenus honteux à force d'être cachés. J'ignore comment, on perçoit des sous-entendus (ce qui ne manque jamais), puisque ça arrangerait ceux qui les dissimulent qu'ils s'effacent, ou soient évités.

De toute la famille, à ce que j'en sache, Liliane était la seule à maintenir un contact proche avec Adrienne qu'elle venait voir depuis sa Normandie jusqu'à Bx une fois ou deux par an. Elle ne la lâcha jamais. Adrienne, d'après mes souvenirs, partit avant elle.

Liliane souriait beaucoup. Un jour, dans le doute de ce qu'elle ressentait, elle qui avait connu 2 guerres (dont 1, enfançonne), nous lui avons demandé ce qu'il en était de ces visites. Elle arrondit les yeux et nous dit simplement dit que passer au milieu des malades et entendre des cris n'était « pas facile ».

Mon respect s'en agrandit encore.

Je garde d'elle les cartes postales dont une, parmi celles que j'ai placées devant d'autres, et quelques photos en famille.

 

Je suis bien un tantinet siphonnée Rigolant (tant qu'on en a conscience), mais jusqu'à ce jour, pas de quoi aller en Psychiatrie. Il paraît même que je serais équilibrée, ce qui m'étonne moi-même, enfin tant mieux !

L'avantage d'avoir été la petite dernière est d'avoir eu la change de connaître ces générations. L'inconvénient considérable est qu'elles ont disparu, mais on n'oublie jamais les gens que l'on a aimés, estimés. Paix à leurs âmes.

 

                                                  Corine  



 










04/03/2022
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