L'Opérateur né, Buster Keaton
Ce que j'ai à dire sur ce que l'on nous propose comme bouleversements inventifs, c'est-à-dire prétentieux mais inféconds, qui se promettent de continuer à impacter nos vies - surtout si nous continuons à respecter ce qui n'est pas honorable - n'est ni court, ni agréable.
Je vais m'en abstenir pour ces belles fins d'année et réexprimer mon admiration très profonde pour la fin du XIXème siècle qui est selon moi celle où le clivage a été le plus monumental et le plus admirable.
Je m'attache aux artistes metteurs en scène de cette époque qui après avoir été loués, adorés, ont pour la plupart eu de grands revers d'infortune (et de fortune) et ont attendu bien trop longtemps avant d'être reconnus à la hauteur de leur génie. Tout le monde n'est pas Charlie Chaplin, très avisé, sans être épargné - mais sachant s'entourer (ça protège au moins du côté de la caisse. De femmes limite borderline, ou de l'hystérie politique, c'est une autre affaire).
Loin de se contenter d'observer et de suivre les progrès grandioses qui étaient mis à la disposition de leur temps (le train, une réforme du gaz, l'électricité,...), ils ont ramassé, inventé, rehaussé, anobli, dépassé ce qui était en l'état et si neuf, par le canal qu'ils choisirent : l'art cinématographique et tout ce qui l'avait porté. Aucun ingénieur n'aurait fait mieux.
Ce n'était pas de simples pitres enfarinés aux mouvements accélérés.
Ainsi Buster Keaton. Buster signifie casse-cou. Buster Keaton, souple comme un animal avait appris à tomber dès l'enfance. Cela aide, mais ne fait pas tout. Il faut pour voir ce qu'il y a ci-dessous qui n'est qu'un exemple, avoir cette intelligence autonome, sans artifice (ah, j'y reviens, à l'artifice d'intelligence : I.A./A.I. ) et des ... de sacrées..., du courage. Il n'y a que très peu de trucages. Tout est pensé, apprécié prodigieusement. Il était néanmoins impossible de ne se préparer à aucun danger mortel, tout en faisant tout pour les éviter.
Le visage figé du personnage, cette marque de fabrique : l'homme qui ne sourit, ni ne rit. Je ne souris pas énormément non plus devant lui. J'éclate de rire quand je le vois offrir une bague si petite à une jeune fille dont il est amoureux et la loupe pour mieux la voir ou quand, alors qu'il étend élégamment la veste de son pardessus dans l'eau, afin de faciliter le passage d'une dame, elle part sans se retourner, ni le saluer dans une calèche, mais l'humour de Chaplin (que j'adore) est plus douillet que le sien, nous rend plus paresseux. Tout est fait, tout est clair. Avec Keaton, il y a une tension, un éblouissement immédiat, on respire après. Bon sang, quel type ! Minutieux et dingue.
Il y a aussi cette peur que Buster Keaton, malgré son côté lunaire, génère (ce qui n'est pas franchement habituel dans le burlesque) en dépit de ce j'ai écrit plus haut quant aux précautions prises pour éviter la fatalité à laquelle pouvaient mener ce qui devenait des gageures. Si pâlir en le revoyant - je dirais, en le regardant mieux - est irrationnel sachant qu'il est décédé dans les années (19)60, il y a le faux et le vrai, impressionnants dans les années (19)20 : il aurait pu mourir d'un instant à l'autre et se tordit tout de même le cou. Il me semble que les assurances sociales, maladie, celles des métiers précaires étant bien différentes des nôtres, il fut amené à gagner son pain de nouveau à la soixantaine en refaisant des cascades, avec succès.
Alors on pourra toujours faire les bêcheurs qui scrollons sur nos smartphones, androïds, lui (et une poignée d'autres), avec presque rien, est allé au-dessus de tout et a tout simplement scrolled up his imagination to so beautiful achievements. Eh oui, il a scrollé aussi et a mimé la lassitude pour faire sourire, quand il est de bon ton de l'afficher sans aucun risque pour sembler débordé couramment de nos jours. Je nous moque.
Je nous sens tout petits à côté de ces surdoués qui sortaient de trous de misère, d'odeurs d'alcool et de mépris il y a plus d'un siècle, que l'on a un temps oubliés un peu.
Quelle difficulté que de faire passer les émotions sans avoir le son des voix, avec, afin que le spectateur garde ses repères dans l'histoire au son d'un piano, des intertitres gracieux quasiment fleuris.
Le cinéma méritait-il ses cracks ? Je ne crois pas, mais il, et nous en avons, de la chance.
Corine
Ca ne datait pas d'hier, le volant à la main (sans 2CV), perdu, l'espace de quelques secondes, avant de réagir. Les héros de ces personnages ne se laissent pas abattre longtemps.
Inévitablement cela rapproche d'une scène culte, bien française, qui nous fait toujours autant rire : « ah maintenant elle va marcher beaucoup moins bien alors » réalisé près de 40 ans après !
Belle interprétation, il faut bien le dire des singes de la Sagesse : « Ne pas voir le Mal, ne pas entendre le Mal, ne pas dire le Mal » :
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 23 autres membres