Mi(s)ScellaneaCorine

Mi(s)ScellaneaCorine

Cette Greta-là.

  

 

Merci d'avoir participé au jeu (avant-dernier billet).

Lise a trouvé la réponse. Il s'agissait bien de Greta Garbo dont le visage nous semble si moderne. Un nom dont la consonance est devenue si solennelle, le nom de la première étoile qui ne dansait pas.

 

 

J'en étais là : « je l'admire vraiment pour son art, son cran, sa marginalité. Je l'affectionne pour ce à quoi je ne crois pas : sa monstrueuse indifférence ».

Un glaçon ne passe pas une partie de sa vie à envoyer des correspondances.  

 

Ce n’est pas ici ce que j’appelle un hommage. Je m’en tiens à une explication des indices du jeu de manière un peu plus développée (de plus mauvaise foi, tu meurs !).

 

 

 

Garbo naît sous le nom de Greta Lovisa Gustafsson (la première petite difficulté étant de savoir qui a raison entre "Gustafsson" et "Gustafson", mais les noms n'ont pas d'orthographe).  

 

Louis B. MAYER, flairant que le potentiel européen avait d'autres talents à exploiter, avait été impressionné par celui de Mauritz Stiller, immense metteur en scène finlandais.

Il lui promit un contrat américain.

Malgré les réticences du producteur, Stiller imposa Garbo dont la beauté et le magnétisme l’avait subjugué à l'Académie Royale d'Art Dramatique de Stockholm. A pas même 19 ans, Stiller vient de lui offrir son premier rôle : ''La Légende de Gösta Berling".

Ils prirent tous deux le bateau pour new York où ils déchantèrent, visiblement oubliés, avant que tout ne se renverse, plusieurs mois plus tard, à Hollywood.

L'ironie de l'histoire et Dieu sait si elle en compte, est que Mauritz Stiller, pour les broutilles et incompatibilités de caractère, vit son contrat s'achever avant son terme. Soyons scrupuleux : en pleins essais.  

Il continua à faire répéter Garbo alors qu’elle tournait sous la direction d’un autre, allégée de dix kilos « Hollywood n’aime pas les grosses »  lui dit-on courtoisement.

Mauritz Stiller retourna en Suède où il mourut 3 ans plus tard, « une photo de Garbo entre les mains », nous dit la légende (ça ressemble un peu trop aux mélodrames du Muet pour être absolument crédible. On peut imaginer qu'il gardait une photo sur sa table de chevet ?). Qu'ils soient restés définitivement liés, cela ne fait aucun doute. 

A ceux qui parlèrent de leur "relation", elle rétorqua que c’était tout autre chose, beaucoup plus que cela et que c'était son destin qu'elle avait remis entre ses mains. 

Garbo avait la mémoire de tout, de ce qu'elle aimait, de ce qu'elle réprouvait, de ce qu'elle détestait.

Cette femme de fuite, fidèle à ceux qui la firent, méprisa Hollywood qui n'attendait que ce que sa fascination leur rapportait. Elle sut s'en servir et eut le culot de faire ce que personne n'avait osé : une grève de 7 mois jusqu’à l'obtention de l’augmentation de ses cachets ! La divinité se paie.

 

Car G.G passa l’épreuve du parlant tandis que les souteneurs de sa popularité - proritairement de leurs tiroirs-caisses - retenaient leur souffle. Sa voix plutôt grave, aux sonorités variées, agréables, profondes, chaudes, "exotiques" remporta le succès dont personne n'était certain.

 

On a peut-être du mal à apprécier l’hystérie idolâtre que soulevaient les stars du début du XXème siècle. Rudolph Valentino et John Gilbert furent de ces grands noms lynchés par cette transition du muet au parlant. Leurs voix banales, soit-disant haut perchées ne tenaient pas la route de l'excès des fantasmes investis dans leur virilité.

Ces licenciements s'écartent de mon champ théorique de tous les probables !

Qui connait 1 % d’hommes à la voix trop aiguë pour être pris au sérieux ?

Jean Marais, qui suivit cet Age d'or et d'acier, n'aimait pas la sienne (trop jeune pour ne pas se trouver de défauts), dit qu'il choisit la cigarette. Le tabac est cancérigène, donc mortel, mais il faut reconnaître que le suicide l'est radicalement. Mr Gilbert se crut malheureusement contraint à cette extrémité de décider du moment de sa dernière heure.

 

Nous n'en sommes pas encore là et "la Divine" aux yeux clairs tient les loups en laisse. Elle n'a pas les tics du Muet. Hiératique, glacée, séductrice, ou tourmentée, elle sait également jouer avec abandon et justesse.

Plus qu’une reine, c'est une femme-sphinx. Le cinéma ne fait qu’un avec Garbo. Existait-il vraiment avant ?

Elle en profite pour ne pas laisser tomber Gilbert et l’impose dans "La Reine Christine".

 

Sa gloire se surpasse avec "Le Roman de Marguerite Gautier" (La Dame aux Camélias), suivent "Anna Karenine", "Marie Walewska",…

Très femme, ou ambiguë, le public succombe.

 

Elle triomphe dans "Ninotchka" dont la publicité installe le focus sur son rire. Elle rit, mais tourne le dos aux studios définitivement, dès le premier "échec" que fut le film suivant. C'est pour le public brutal, à peine croyable. Malgré les supplications des studios et leurs enchères,  elle demeure ferme sur sa décision.

« Je vous remercie de m’avoir fait gagner autant d’argent, mais je m’en vais. Vous ne me reverrez plus ». 

Un roc face aux rocs (cf. indice !).

 

Il est frustrant qu’elle se soit arrêtée sur une défaite qui n'était pas la sienne, mais l'erreur d'un scénario un peu simpliste. Ces deux visages ne lui allaient pas.  

Frustrant et d'autant plus regrettable qu'elle semblait posséder des talents comiques apparents dans "Anna Christie", son premier personnage parlant. Ils resteront donc aperçus, discrets.

Une reine ne se rend pas sans se battre, mais pour continuer, il faut y croire. 

 

 

Il s’est dit qu’à ses débuts, sa franchise et son "mauvais anglais" auraient poussé à lui suggérer de se taire.

Ensuite, elle fit autre chose de son silence. Il devint peut-être aussi maladif que sa méfiance, mélangeant sans doute, elle-même, Garbo et Greta Gutafsson.

 

 

Adorée, caricaturée : « NAO  I Vant to be alône » (ton dramatique)

Ce qu’elle commenta plus tard : « I never said I want to be alone I said I want to be let alone. There is all the difference » (« je n’ai jamais dit que je voulais être seule, j’ai dit que je voulais qu’on me laisse tranquille. C’est là toute la différence »).

Tout ou rien. Un de ses partenaires dit qu’elle se donnait tellement qu’elle était "exsangue" en fin de journée. Mais ne restait pas une minute de plus que nécessaire sur un plateau !

 

Garbo à l’intransigeance irrévocable, Garbo parlant d’elle de la pire façon, entre fierté pour une poignée de ses films, orgueil de son image et masochisme réitéré, dont : « j’éprouve le terrible besoin de renaître, comme le phénix de ses cendres, pour me débarrasser du sentiment de n’être rien ».

??? Cette phrase est-elle certifiée authentique ? 

 

Celle-ci l'est-elle aussi : « je suis invitée à dîner... mais comment saurais-je si j'aurais faim ce jour-là ? » Clin d'œil (il ne lui a peut-être pas été bien difficile de suivre les conseils de Gayelord Hauser, grand prêtre de la diététique). Sans la connaître, comment trancher entre l'expression d'une lassitude des mondanités flattées de sa présence et un brillant humour !

Car cela est unanime pour ceux qui l'ont croisée : Garbo ne faisait aucun effort pour plaire, restant juste correcte, ou conquise. Le luxe n'y changeait rien.

 

(le lien Dailymotion de l'extrait que j'ai filmé en le coupant d'un lien suédois ne fonctionne pas en insertion sur le blog. Si l'envie vous en prend, tapez sur Google "Garbo Suède bateau". Il sera actif quelque temps. Sans que le son soit nécessaire, ces images sont expressives de ce qu'on attendait d'elle, en masse et de si près, sans cesse).

Elle m'amuse quand elle accepte de poser avant de râler, quand le temps est passé, quand elle marche à grand pas, ou dans le peu d'embarras qu'elle a à venir chercher elle-même, à l'occasion, les chèques de ses locations (cf. anecdote de ses locataires, comédiens célèbres !).

Réputée "radine". Un sou est un sou. Les mauvais jours de l'enfance ne s'oublient pas. L'extrême pauvreté a la peau dure. C'est déjà moins drôle.

Bien lui en pris, retraitée de 36 ans, rentière de son talent jusqu'à sa disparition, à 84 ans. On peut se réjouir que tous ne meurent pas ruinés, ou tendant la main. Le spectre de la Goulue me fait toujours froid dans le dos (ruinée, méconnaissable, malade, sans toit).

 

 

 

Je reviens sur cette question, sur un autre plan.

Faut-il fuir sur des malentendus ? Etait-il bien-fondé d'avoir quitté les écrans si précocement ? Si elle ne donna pas ses rides comme elle le craignait tant au public, elles les lui furent volées.

Elle avait la chance de ne pas avoir un de ces visages poupins auxquels on reproche impitoyablement de changer, la chance de ne pas être l'adorable Marilyn (pour ne citer qu'elle).

Ses traits auraient pu se prêter à d'autres rôles d'envergure emportant sa carrière dans une descendance d'incarnations de prestige. Elle ne remporta aucun prix pour ses plus grands succès. Un Oscar d'honneur lui fut attribué, en 1954. Mais en l'honneur de quoi ? Elle ne se déplaça pas, maugréant sans doute que quand le mythe est le seul honneur que l'on a fabriqué, autant rester caché.  

 

On lui reprochait son manque de curiosité, de culture. Est-il indispensable d'avoir un prix Nobel pour jouer Marie Curie ? L'une des critiques qu'elle ne reçut pas portait sur son intelligence. Elle était loin d'être stupide, ça se savait.  

 

 

 

Persécution. 

Peut-on parler de paranoïa quand on est visée par des armes des photographes pendant plus de 60 ans (dont pas loin de 50 après s'être retirée ?)

Elle arpenta les points cardinaux du globe, dans les vêtements de son destin glorieux, meurtrie de méfiance, entre passions et ennui, furieuse de relations à la discrétion plus ou moins assidue. Une loyauté réciproque était peut-être la seule chose qu'il fallait comprendre.

Une exception à sa rancœur fut Cecil Beaton (à qui nous devons peut-être la photo que j’ai précédemment publiée ?) qui après un faux pas, dut être le seul qu’elle recontacta 5 ans plus tard. Donnant-donnant, chacun prit des séries de portraits de l'autre lors de ces retrouvailles, conservées sur négatifs. Leur amitié vécut heureuse jusqu'en 1980 où Beaton lui faussa compagnie par obligation de tirer sa révérence.

 

 

Un projet - le seul - put se vanter d’attirer son attention jusqu’à, fait exceptionnel, la faire changer d’opinion, professionnellement.

"La Duchesse de Langeais" par Max Ophüls. Les prises furent donc faites en mai 1949. Les essais ont pour but de tester ce qu’elle a gardé de sa légendaire photogénie.

Elle est intacte, vraiment très belle (les cheveux balancés en avant s'éloignent de l'icone)

 

 


 

Le film ne se fit pas. Ce fut un coup, définitif, elle crut ne plus intéresser que les curieux.

Non, nous ne verrons jamais la couleur de ses yeux à l’écran.

« Un visage comme ça, on en voit un par siècle » disait Stiller.

 

Un visage peut avoir des proximités avec d’autres (je songe à son sujet à Ute Lemper dont la ressemblance, entre quelques photos, vers leurs 30-35 ans - à quelques décennies d'écart - est étonnante), mais Garbo était un phénomène, un lien unique entre sa lumière et l’ombre de son silence, celui peut-être, de son incompréhension. On retient cette froideur, ces émotions universelles et cette électricité entre elle et nous. En 2018, c’est ce que je vois.

 

Elle mourut à  New York le 15 avril 1990.

Protège-t-on tout vraiment ? Il y eut, de son vivant un chantage, auquel elle ne céda pas, ou pas ouvertement (le chantage est odieux, mais il est difficile de refuser des soins à quelqu'un que l'on a aimé - même s'il vous a trahi aussi).

Lui aurait-il fallu faire signer des contrats devant avocats et notaires assermentés pour que soient brûlées ses lettres intimes ? Elle n'alla pas jusque-là et elles firent leur chemin.

L'image méritait-elle plus de - vaines - précautions que ce qu'elle sacralisait et protégeait tant ? Au fond, quoi qu'elle fasse, une icône peut-elle se défendre ?

Les enveloppes ont été ouvertes par d'autres mains qui ne la connaîtront jamais, mais sauront tant de ses "faiblesses" qui prouvent au moins les lacunes de son indifférence.

Elle ne peut rien en dire, mais on peut le deviner  : « mais en quoi cela vous regarde-t-il ? »  

 

Elle me touche, mais je n'ai jamais lu de biographie de Garbo. J'aurais aimé avoir un recueil de phrases non apocryphes. Il existe peut-être.

 

 

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Epilogue !

La découverte.

Je ne connaissais que son nom, à des astres d'obscurité et de décennies filantes. Un garçon de seulement quelques années plus âgé que moi en était totalement fan. Je m'étonnais, quoique aimant déjà le Muet (auquel j'aime mettre une majuscule). Je ne me souvenais pas avoir jamais vu le moindre extrait d'un de ses films ; seulement la bande-annonce de "A la recherche de Garbo" (où elle n'apparaissait pas), quelques années plus tôt. J'avais fait connaissance quelques minutes avec ce qui m'avait paru être une théorie plus qu'une actrice, puis l'oubliai. 

 

 

Qu'aurait-ce été si j'avais été amoureuse de ce passionné ? Je m'endormis après avoir découpé des photos pour lui durant des heures, découvrant un peu qui était cette Greta Garbo, recopiant les phrases d'un article pour les lui adresser. Je ne voulais pas les perdre, en me surprenant sur mes raisons.

A mon réveil, j'allumai la radio. Trois minutes après, le journal (je me rappelle : de Jacques Chapus alors que je tempêtais sur le programme que j'avais loupé !).

Les premiers mot furent pour ce prénom et ce nom, que nous n'entendions jamais. Ce qui allait suivre, je n'en doutais pas.

C'était le 15 Avril 1990. Coïncidence. Ca ne pouvait aucunement être un chagrin, mais ce fut un saisissement. 

 

Pas une chaîne n'oublia de lui offrir l'entrée de son Journal. Ce ne fut, je ne crois pas la régularité - évidente - de son visage, mais son intensité qui acheva de me convaincre et l'étonnement qu'elle n'ait rien de désuet. Je dus circonvenir mon aversion persistante envers un hebdomadaire qui sut faire lui aussi son beurre en la racontant dans les dernières pages, sur 4 numéros. Bien m'en pris, car c'était respectueux (je compris plus tard) et je découvrais ce qu'elle voulait montrer.

Je m'attachai, m'aidant de ces déclarations (jamais d'interviews). Je ne savais rien de cette personnalité, rien de ces traques harcelantes. 

Je regardais ce qu'elle voulait laisser de cette Histoire : « Le cinéma de minuit présente »... J'avalais tout. Elle n'appartenait à rien, mais tout d'elle était marquant.  

 

 

 

 

Quelle vie aurait été le bon gant ? Comment savoir que le succès n'est pas celui qu'on voyait au bout de la gloire ? La vie, de face.

 

1990, la paix suprême tient peut-être dans l'ignorance, le bruit de la neige qui boit les mauvais souvenirs. Mrs Brown (un pseudonyme) ne paraîtra plus. 

La nostalgie est finie. La Suède, enfin, sans les foules. La solitude est morte, Greta Gustafsson est bien rentrée. 

 

 

                                             Corine

 

 

 

 

 

 

 

 



21/03/2018
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