Mi(s)ScellaneaCorine

Mi(s)ScellaneaCorine

Chère Camille, les vôtres d'alors dorment je ne sais dans quel sommeil

 

 

 

 

Par ce que l'on sait, ce que j'en dis.

 

La fosse ne peut rien contre vous. Ci-dessous, une longue lettre, car je ne peux faire mieux.

 

 

l'Abandon Camille Claudel&détail.jpg

"L'Abandon" de Camille Claudel

 

 

 

 

 

Persée et la gorgone Camille Claudel.jpg

Persée/miroir et la gorgone de Camille Claudel

 

 

 

 

 


 

 

 Camille Claudel, fille et femme de passion, celle de la vie, de l'art mariés sans bague, sans chaîne, comme le sont les amants, n'est-ce pas ?

 

 

Celle d'un amour qui vous fit commettre l'irréparable de quitter la création, cet enfantement que vous auriez pu concevoir jusqu'au bout de votre existence. Vous avez laissé accessible, à force de vous cacher, le heurtoir de la porte de l'irréconciliable, ce point d'excès sans retour, donnant à un quarteron d'influents un moyen de vous nuire. Dans ce groupe au nombre bien inférieur à celui que vous vous figuriez, se tramait une traîtrise en pays endogène, une forfaiture de sang, impitoyable.

 

Vous, Camille, cruelle avec vous-même, radicale, forte, mais suicidaire. Vous ne maîtrisiez plus rien. Les idées fixes sont assassines, mais votre descente dans un plus profond calvaire, coupée de la vie, fut considérablement facilitée.

 

 

La création était un fait depuis déjà des années, puis Paris, l'enchaînement de circonstances, le changement de superviseur et maître pour faire place au bien nommé Auguste.

 

Tout débuta par "la Porte de l'enfer" (un signe ?) de Auguste Rodin, à laquelle vous aviez participé avec d'autres élèves, vous qui, il le vit, aviez tout ce qu'il faut pour devenir une incontournable :

 

 

La porte de l'enfer de Rodin participat° Camille.jpg

 

Puis l'amour, si fou qu'il ne peut, avec tout ce dont il est construit et renferme, que tourner mal.

 

Vos œuvres si belles, si fines, si solides sont connues depuis la fin des années 80 du grand public dont je fais partie.

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    Et dire que déplacerait-on le ''s'' du mot asile, on pourrait voler.

 

 

 

Derrière la porte de l'enfer, durant 30 ans «  je n'ai pas fait tout ce que j'ai fait pour finir ma vie, gros numéro d'une maison de santé ? J'ai mérité autre chose que cela »

 

 

Pendant ce temps, quelques-uns ne vous oubliaient pas et gardèrent pour toujours l'éblouissement que vous provoquiez, par votre sidérante facilité, le génie de vos œuvres, par vous, éclatante.

 

''La Petite Châtelaine'' avait grandi, fondé une famille.

 

Un petit nombre de gens méritants ont tenté, scandalisés par votre sort, de vous sauver, parmi lesquels des journalistes, ou Rodin lui-même autrefois en colère contre vous de voir votre haine, la rancœur qui vous tenait au corps de lui sembler inférieure, de sous-vivre de par son importance.

 

Ces soutiens ne faisaient pas le poids contre votre famille, la laideur de l'esprit et du comportement d'une mère acharnée à vous vaincre, regrettant si fort de vous avoir donné la vie, depuis toujours. Elle vous privait, sans aucune justification possible, de toute visite, de tout courrier, de toute relation. Un droit de vie et de mort sur l'enfant, comme cela existait autrefois. Couper de tout contact est un excellent moyen d'y parvenir. Un meurtre symbolique, un meurtre réel.

Madame Claudel, dont, c'est drôle, quand elle a dit que sa fille les détestait tous et était prête à leur faire tout le mal possible, n'a pas été jugée paranoïaque par quiconque. Madame Claudel au cœur sec malgré les lettres qu'elle recevait de vous.

Vous avez certainement eu quelque ressentiment envers Paul de se ranger avec les autres, mais je pense que vous l'avez toujours aimé, jusqu'à la fin. Vous l'avez toujours pris pour confident.

Vous, Camille, l'extravagante que protégeait son père. La création du monde n'est-elle pas une folle extravagance ?

Votre sœur Louise douée pour le piano, se contenta d'être dans les clous, délaissant une fort possible carrière, à votre profonde déception qu'elle quitte un don - plaisant à maman, rangée dans le cercle et les prétentions que l'on avait pour une fille. Elle ne fut d'aucun secours pour vous et ne le souhaita pas, peut-être apeurée par votre destin et votre éloignement.

Un frère, Paul, vous adorant, sœur fière, farouche et si douée, amoureux platonique de la femme modèle que vous étiez pour lui.

Un frère vous écrasant dès 1913.

Les ans passaient, pour les autres plus vite qu'il n'en faut pour le dire. Paul mit en scène votre fantôme vivant dans des mots admirables, vous étiez révélée et cachée. Cela était juste et bon, comme aucune bible ne lui aurait dicté de le faire. Vous restiez dans son cœur, en sécurité du péril que vous sembliez présenter pour vous, malgré vous. Il est courant que l'on sous-évalue le danger, mais on peut également prêter plus de forces au péril qu'il n'en possède.

Paul s'efforçait coûte que coûte de faire taire ses tourments. Un frère vous maintenant de loin, vos paroles, pieds et mains liés derrière des grilles.

Alors que vous vous incarniez, silencieuse, dans les lignes de quelques-uns de ses écrits, sur des planches et un soulier de satin (mais il appela d'autres fois à sa rescousse littéraire votre figure obsédante), vous restiez, pauvre boiteuse, hagarde, incompréhensive de ce sort ou de ces sortilèges, tout près de ces dingues hurlant. Vous étiez une écartée des vivants qui ne veut pas mourir.

Vous avez supplié, vous êtes aussi tournée vers le corps médical, avez fourni des arguments, adopté des stratégies intelligentes (on peut même en qualifier certaines de malignes, où vous tentiez de penser à leur place dans la tragédie de votre cas), mais inefficaces. Le psychiatre en 1913 qui en vous acceptant, confondait facultés intellectuelles et équilibre, tout ça ne sentait pas la rose de l'espérance. Facultés qui, on le voit bien aux lettres heureusement gardées, n'étaient pas altérées. Il faut une tête drôlement solide pour supporter tout cela sans la perdre. Une dizaine d'années avant l'asile, seule déjà, de plus en plus repliée sur vous, entre autodafés et la compagnie affectueuse de chats, retirée de tout, ne prenant plus soin de vous, vous sombriez, sans perdre pied dans la folie. Les animaux montrent le sens de l'existence. N'oublions pas les bêtes que nous sommes – même si je l'ai déjà dit.

Les facultés psychiques ... Dans un aqueduc, végétaient vos obsessions, ce n'est pas fait pour. Autrefois, des flots ardents vous portaient, mais j'insiste, vous auriez pu perdre intégralement l'articulation de la pensée, ce qui ne fut pas le cas.

 

 

Internée, l'aspiration à la création était mise aux orties désormais par la surdouée que vous étiezmais il fallait se battre depuis lors pour respirer en liberté. C'était ça, avant tout. Que valait le suicide créatif, comparé à cela !

Vous qui, en travaillant la terre, empêchait qu'elle se tasse en masse informe et en souleviez tant de grâce dans la perfection, avec tant de vitalité, avant d'attaquer l'autre difficulté qu'était le travail du marbre, étiez déjà enterrée.

Être sauvée de la crasse, de la faim, de la pauvreté, de la solitude pour finir chez les fous, mais propre !!!!!!!!!!!!! Quelle folie insupportable.

 

 

Je n'avais pas pu continuer à lire vos lettres il y a plus de 30 ans (décidément) tellement elles faisaient mal. Il était insoutenable de lire la cruauté sans pouvoir, plus jamais, l'empêcher.

Il y a quelques jours, j'ai entendu, magnifiquement interprétés, de longs passages de votre prolifique correspondance (envoyée adroitement, avec des allié(e)s compatissant(e)s ou intéressé(e)s par quelques sous si vous les aviez) dont vous attendiez, toujours, des réponses. Ces lectures, étaient si bien dites que l'on aurait pu croire que l'on prenait votre voix, comme si vous la donniez, empressée à convaincre en vain dans vos temps de douleur, comme si l'actrice récitante avait un pouvoir médiumnique.

J'ai commencé à lire ce livre, je sais que je le pourrai, malgré ma peine de ressentir votre détresse infinie qui traverse et tranche le temps et la mort. Il est impossible d'y rester insensible. Ca vous fait une belle jambe, ces lectures, n'est-ce pas ?

 

 

 

De ces lettres, votre mère en jetait-elle au feu ? Qui le saura jamais ? Quoique nulles et non avenues, celles qui restent sont suffisantes pour se faire une idée de sa claire exécration pour votre personne. Le seul cadeau qu'elle vous ait fait est celui-là : que l'on sache. C'est tout.

 

Vous alliez beaucoup mieux. Vous qui nécessitiez des soins (indubitablement) moins violents que d'être cloîtrée dans un asile, alors qu'il était facile d'oublier pour un psychiatre

- qu'un malade mental n'était pas infailliblement assigné à mourir sur le champ de bataille d'une maison de santé ou d'un asile,

- alors que la Psychiatrie était sans ressource en thérapies chimiques,

votre état déclaré de démente en 1913 était revenu au calme, compatible avec l'autonomie, en contact possible avec les gens dits sains d'esprit.

 

Dix ans avant sa mort, au lieu d'en être heureuse, Madame Claudel Mère se crispa sur sa décision, vingt-quatre ans avant la vôtre.

 

 

 

 

 

Rodin, pas plus coupable, je crois, envers vous qu'avec une autre, mais les autres femmes ne l'aimaient pas tant, si complètement, ne s'associant pas corps et âme à lui et à ce que vous 2 seuls pouviez partager. Ces autres, maîtresses de passage, ne pouvaient craindre d'être pillées, ou se l'imaginer ; elles n'avaient à regretter que sa virilité et l'honneur qu'il leur faisait de les choisir. Elles ne possédaient sûrement pas ce jusqu'au-boutiste vers l'absolu, sans quoi elles aussi auraient fait parler d'elles.

 

Rodin avait un cœur. Il essaya de vous tirer de là, au moins du besoin. Vous le traitiez de fouine, attachée désormais à le haïr.

Il leur fallait une hystérique, pire, une folle furieuse, il vous fallait un coupable. Ce ne pouvait être Paul qui tirait les ficelles de l'enclos, après la mère. Ca ne devait pas être Paul, non !

Rodin n'était que lui, même si homme de premier plan, avant vous. Pour vous, il représentait l'alchimiste procédant à la catalyse de votre effacement, il était l'auteur-acteur des incompréhensions, il était le Mal, le malin qui les menait tous. Il tenait à cela, votre dérangement, en ce point d'obsession là où il ne figurait pas en réalité. L'amour absolu est vivace, mais la rage, la haine exclusives quand elles y font suite, y répondent à sa mesure. Ceux qui avaient les yeux ouverts, dont lui, étaient pantelants devant ce que vous possédiez. Rodin dit d'ailleurs « Je lui ai montré où trouver de l’or, mais l’or qu’elle trouve est bien à elle. »

La première obscurité a été de le croire adversaire de votre art, alors que le soutien de Rodin après votre rupture était le seul point du contrat entre vous deux (contrat comprenant la prérogative d'être sa muse exclusive et l'artiste, le mariage), la seule promesse qu'il ait respectée.

Il se peut que l'on oublie que vous aviez peur et que la peur ne fait pas bon ménage avec une forme rectiligne de bon sens. Les coups de poings dans le coeur et le ventre, les idées en désordre, l'horreur d'être enfouie.

 

Paul, faible mais un péril noir, sans la haine de Madame Claudel mère. Il se donna l'absolution, bien que sa main ait continué à signer, après la mort de votre mère, en 1929, chaque mois, votre maintien dans l'isolement, peut-être trop concerné par la folie pour ne pas en avoir peur. Et puis la religion, quand elle est excessive et juge, se place au niveau de l'ennemi. Pourquoi aviez-vous avorté ? Il le savait bien, pourtant.

Il ne brisa ni son silence, ni la lourdeur de sa couardise, menant au fil des ans, une presque oubliée à la damnation.

Les mots ne sont pas des statues, il est aisé de les améliorer, possible de réfléchir à leur sens et à la durée de leur portée, afin de laisser le salut, ce mot sacré qu'il ne vous donna pas. Il était intelligent, sensible, mais cruel et stupide de confondre l'exception dont il vous savait dotée et la réussite pécuniaire. Vous n'aviez pas été aidée, les contrats faisant défaut malgré l'admiration de vos pairs. Il vous aida très peu, au temps de votre percée qui vous coûtait néanmoins cher (sculpter est plus onéreux que de tenir un crayon). Il savait le début et la fin. Votre caractère, il le connaissait aussi.

« Moi j'ai réussi mais elle, elle n'est rien ».  Rien ??? J'espère que ce sont des racontars !

Je n'ai pas entendu sa façon de le dire. Ce pourrait être dû à une prétention inouïe et un méchant défaut de mémoire, ou bien à la peine et se comprendre comme : « elle n'a rien eu de ce qu'elle aurait dû obtenir. Moi si. » Après tout, s'il a tant détesté Rodin, longtemps, c'était bien parce qu'il savait l'or de vos doigts dont ce maître avait parlé à haute voix le premier. Jalousie envers Rodin, qu'il ait la primeur, que vous l'aimiez, que vous vous perdiez en lui. Rien n'est bien joli.

 

 

Les blessures très profondes creusent l'écart au monde. La fureur est mal vue. Le courroux se supporte. Le cinéma de la fin du XIX° et du début du XX° ne donnait à voir que des femmes minaudant, chagrines, délicatement cernées de khôl et de filtre, en aucun cas hurlantes. Le cinéma est révélateur de la société, ou de son attente.

 

Infâmes, dans cette famille, aucun ne vous avait avertie du décès de votre père/soutien/ami (on a parlé tout au plus d'un télégramme glissé sous la porte), juste avant votre internement. La bande des Claudel, oui ! Pas la bande à Rodin ! Vous ne l'avez pas suivi derrière les chevaux qui l'emportaient, ils ne vous en ont pas donné le choix.

 

''Le petit Paul'', dont vous ne vouliez pas savoir qu'il n'était plus ce qu'il avait été...

Célèbre et vous enfermée, puis morte, il raconta l'immensité de votre génie, l'âme en paix. Il est nécessaire d'aimer pour vivre. Pour vous, il y avait Paul à aimer.

Il s'est réveillé au sujet de l'artiste Camille, 6 ans après votre décès.

Artiste illuminée, artiste de lumière au regard traversé d'ombres.

 

 

L'opprobre mise sur une actrice, sa pugnacité et celle de son ancien compagnon, complice, allié et metteur en scène fonçant dans tous les murs (et ce ne fut pas facile) nous a fait vous aimer tellement. Des livres étaient déjà écrits sur vous, vous savez. Ils ne pouvaient être que poignants.

Votre petite-nièce (après sa mère) non plus n'a jamais pu comprendre votre situation et vous a sauvée aussi d'une quasi indifférence non pas volontaire, mais faute d'un nombre confortable de vivants avertis. ''Dans le temps'' déjà. Les connaisseurs se fatiguaient un peu de votre appétit à vous détruire pour vous calmer, vous qui aviez si peur qu' ''il" (Rodin), le diable en personne ne le fasse à votre place.

D'aucuns ont dû estimer que vous avez été la seule à causer votre malheur, ignorants de ce que passions et déceptions font de dévastation. Votre esprit brûlait encore, habitant les idées nettes et les autres.

Vous, la sauvage, animale, depuis toujours. Vous, trop remarquable.

Il y eut donc les incorruptibles, vos fidèles subjugués et ceux qui n'entendaient que la réussite reconnue du grand public, à l'époque où vous étiez effervescente, si talentueuse, contre l'inertie. L'inertie a la force d'une pierre brûlante sur laquelle il faut jeter de l'eau pour ne pas qu'elle domine. Il y avait le maître, c'est vrai, mais les gens ne se contentaient-ils pas de n'avoir qu'un seul dieu, Camille ?

 

''Dire à tout le monde ce que vous étiez devenue".

Seulement Isabelle Adjani et Bruno Nuytten sont nés beaucoup trop tard pour vous tirer des griffes de ces fauves Claudel. L'asile était le seul garant de votre éternité (terrestre) en enfer.

Les descendantes de Paul rendent une noblesse à ce patronyme. Un cénotaphe porte le nom de Camille Claudel et enfin le retour vers une justice de façon remarquable.

 

 

 

Une plaque commémorative est posée sur le rez-de-chaussée de l'immeuble où vous viviez vos derniers jours d'autonomie, de solitude choisie, mais privée de tout, dans la prison que vous vous étiez construite là où on vous a tirée de force entre des gendarmes « en colère »,  disiez-vous.

Le bien pour vous et les locataires, c'était de vous mettre dans un mouroir après l'autre auprès de plaies humaines vociférant leur dérèglement mental.

- ou cette autre plaque devant cet asile qui peut se targuer de vous avoir abritée, maison la plus dure dans notre hexagone à l'époque, ai-je lu. Et pourtant vous y étiez aimée.

''Abritée'' de 1913 à 1943 de votre baroquerie, fatiguée que l'on ne vous regarde pas sans lui, Auguste.

 

 

L'amour, dorénavant, pour, envers vous, sera tenace, même immortel, mais le temps, trop rapide pour ce qui est beau s'était étiré sans en finir dans la désolation. Avant, longtemps.

 

Vous vous faisiez du mal, c'était incurable, mais quel mal faisiez-vous ? Quel danger pour cette toute puissante société, cette ''sainte famille'' ?

 

Vous n'êtes plus de ce monde, mais ça reste impensable, comme l'est de voir cette photo de vous assise, résignée que je connais depuis longtemps, les mains à plat, sur votre robe, se tenant l'une dans l'autre, résolues à ne plus rien créer pour ne plus donner la beauté en pâture au profit des autres. Bien qu'exagéré au vu de vos écrits avisés, clairs, tout n'était pas faux de convenir de ces traits paranoïaques, car Rodin qui était mi-soleil mi-ombre (ou plutôt un tiers d'ombre en vérité ?), était mort depuis longtemps que vous le craigniez encore. Lui ou ses complices.

 

Il n'est pas besoin de faute pour que l'horreur s'invite.

Comme je l'ai dit plus haut, vous aviez été contrainte d'avorter devant la pusillanimité d'Auguste Rodin, à tenir son serment. Quoiqu'il en soit, comment l'auriez-vous nourri, cet enfant ? 

Rien ne méritait une ''sacro-sainte'' mort dans cette vie si longue de résister. La solidité de votre constitution de sculptrice n'a pas dû aider à vous précipiter plus vite vers le voyage de la fin. La fin de votre mort sur terre par cet Abandon gigantesque.

Il avait fini par vous être autorisées des sorties par le médecin psychiatre. Refusées par la famille.

 

 

La guerre n'explique, ou n'excuse pas tout. Les prières ou la littérature, pas plus. Votre corps n'a pas été réclamé par le petit Paul non plus, averti depuis des mois que vous étiez bien malade, il n'a pas versé un centime de plus.

Ces chairs à leur tour de marbre froid et rigide, ont été jetées, anonymes, autrefois tant aimées. L'histoire est finie, bouclée, Camille n'a jamais existé. L'inhumanité a refermé ses bras sur vous. Incompréhensible, tout autant. Quels sont les plus sales ? Un corps négligé ? Ou des personnes capables de tels actes, de ne pas lever un doigt, acte passif/actif.

Paul a-t-il prié de remords ? Prié certainement, mais de remords, j'en doute, étant donné sa voix claire, lui si apaisé, en parlant de sa sœur chérie des années plus tard.

 

Née trop tôt pour avoir le droit d'être géniale - dans un art si dur - et celui de se défendre.

 

Les gorgones ont jeté leur reflet, elles ont des frères qui n'ont pas regardé leur miroir, Persée ne peut être partout.

Pauvre Camille qui éclata en un océan de lumière adjanien enfin, en 1988.

 

 

   

 

PS  (ce n'est pas encore assez long !!! :-) : ironie du sort, encore une, vous pouvez être utile au présent et au futur non pas seulement en tant que sculptrice, mais en tant que cas d'école de ce qui est devenu un mot qui porte le nom de résilience.
Être au service des annales de la psychiatrie, je ne sais pas si vous en auriez été enchantée.

Tenir jour après jour, cela se fait, année après année, admettons, mais comment se trouver des raisons de résister durant 30 ans, sans permission accordée de sortie ? TRENTE ANS, sans tentative de suicide, captive consciente ! Quelle i-gno-mi-nie !

 

Une directrice, les infirmiers vous déclaraient lucide. Vous avez eu le temps d'en connaître, des membres du corps médical et du paramédical en 3 décennies. Quelle aubaine !  Déçu

 

Durant votre captivité, étonnant est le fait que Paul et sa sœur Louise n'aient pas évolué. Le temps et les épreuves nous en apprennent plus sur la souffrance et les seuils que nous pouvons supporter. Ils n'ont pas reporté ça sur vous, n'ont rien comparé. Vous, en dehors de tout.

Paul avait fait le tour du monde, quand vous n'en demandiez plus tant.

 

 

Croire que vous protégiez votre secret, votre trésor et gagniez en cela est peut-être ce qui vous a laissée en vie. Peut-être que, quand l'espoir de sortir a trop attendu, la petite victoire qu' ''ils'' ne prendraient rien vous a tenu dans ce malheureux état de vivre. 

Mais c'est aussi cette couleur sombre dans votre âme de vous condamner vous, en décidant de vous priver vous-même du plaisir de faire rugir la vie de la terre et de la poussière. Pour vivre dans qui pousserait au non-être, n'est-il pas nécessaire d'être en guerre avec des ennemis qui se déplacent ? Je ne m'explique pas cette faculté ultime, surtout dans les cris. Je me serais bouché les oreilles avec du papier journal (s'il était possible d'en avoir) pour ne pas les entendre, mais ça n'aurait pas suffit. Et les livres ?

Passer ses journées sans rien faire... Au moins écrire vous occupait-il d'un espoir, bien qu'irrégulier et de remplir le temps dans cette voie fantôme sur l'absence. Encore quelques mois et vous recommenciez, intelligente, désespérée.

L'expression usitée est ''se réfugier en soi-même''. Se garder soi comme miroir interne, comme seul refuge, comme meilleur ami. Vous êtes un mystère parce que cela m'aurait été impossible.

 

 

 

Camille Claudel, statuaire, précisait l'académicien. Marbrière, disait Auguste, « la meilleure ».

 

Vous savez, Camille en 2022, si l'on recherche qui est Paul Claudel, on lit sur le Net : « il est le frère de Camille Claudel » ! Vous qui aimiez l'ironie ! 

 

Je croyais avoir lu ''Une femme'' de Anne Delbée, mais ma tête en 1988 était pleine des scènes de ce superbe film de Bruno Nuytten et de la somptueuse adaptation d'Isabelle Adjani. ''Camille Claudel" tout simplement.

J'achetai ce livre que l'on pouvait alors trouver un peu partout avec votre si jeune et joli visage volontaire.

Je me rappelle avoir été figée en allant directement à la fin où je lus quelques-unes de ces lettres (dont je parle au tout début de ces pages), car enfin j'avais votre version et c'est ce que je voulais, vous en direct sans les rapports, ou les dires parasites. Elles contenaient ce que j'appelle le raisonnement utile. Vos phrases montraient ou dissimulaient votre désespoir, toujours bien tournées, maîtrisées, mais également ferventes, rythmées, parfois comme si vous accouriez. Combien de fatigue, encore plus que celle que sculpter n'inflige, pour essayer de leur faire entendre raison à leur tour ?

Rodin y rodait souvent, c'est vrai, répondant à votre votre obsession mutuelle depuis le début. Un amour éperdu avant de vous dévaster l'un et l'autre.

 

 

 

De votre vie, de vos personnalités, je parle sans tout savoir, ce que je déteste que l'on me fasse, mais je sais que dans ce que j'ai écrit, il y a de multiples vérités. Quand on se fie à Paul Claudel avant de faire votre rencontre, on ne dispose pas de moyens de douter que vous soyez folle, ou pas loin. Quant on vous lit, le cœur bascule. Mais ce n'est pas possible que l'on vous ait fait des choses pareilles, c'était là le complot au nombril caressé.

Le film montrait cela de façon déchirante jusqu'au bout, la main d'Isabelle Adjani tapant sur les vitres du camion de police. Et les précisions après, la longueur des années plus longues que le travail de Pénélope.

 

Votre "folie", vous la plus vivante, transfigure la littérature de Paul, comme si vous étiez offerte en sacrifice.

La flamme de la bougie de votre frère, de son très grand don également (moins facile à suivre que vous, plus ... fatigant !)  était protégée du vent. Son feu matant le délire, ne s'essoufflerait que sous la main de Dieu, par la mort.

Votre regard s'est éteint bien avant votre heure.

 

 

Les mots que l'on dit sur vous et lui se ressemblent. Vous étiez tout deux investis de ce que la majorité n'ont pas, bizarrement, génétiquement doués, à ce point.

 

De toute mon impuissance désolée, je vous salue, Camille. Si nous vous suivons, si nous lâchons nos résistances pour entrer dans votre histoire, nous entrons dans le sévère royaume de l'empathie, l'authentique. Nous sommes dans des prisons gâtées, impuissants de ne pouvoir vous aider, la glace du temps est là.

Votre passé est au présent à la lecture de vos stations de vie, vous, martyre.

On lit platement ces pages qui se creusent sous des larmes qui vous sont inutiles.

 

Plus de Rodin et plus de fous. Rideau.

Depuis 1943, il n'y a plus aucun barreau. La gloire devait attendre, mais rien ne vaut ce qu'on vous devait, l'écoute, l'expression, la reconnaissance, la justice, la liberté, une tombe.

 

 

J'aurais aimé entendre votre voix.

 

 

 

 

 

Pourriez-vous pu le faire au travers de ces murs qui n'existent que pour les vivants, je vous dirais : ne lisez pas cette lettre, Chère Camille. Le paradis enfin gagné doit en rester un.

Après avoir ouvertement dit à Paul votre doute quant à la justice de Dieu, vous avez, paraît-il, prié dans vos dernières années. Etait-ce pour qu'Il pardonne aux coupables ?

 

 

Des rues, des centres hospitaliers, des instituts, des collèges, un foyer portent votre nom.

 

 

Camille lettre au Dr Michaux en français.jpg

 

 

 

 

17... Je ne vois qu'un mot pour les dépeindre tous, ceux-là, au pluriel.

 

 

 

 

 

 

 

 

Camille existe.

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Derrière un tel personnage, je me sens infiniment petite, mais moi aussi, j'ai mes idées fixes et je m'efforce de les mettre à plus de distance quand elles font mal et que je ne peux rien y changer, dans l'incapacité à refaire l'histoire pour y amener un peu de soleil.

Comme je m'en faisais la réflexion, c'est si bon de faire apparaître un sourire. SI la vie était si magique.

 

Mais c'est à moi que je fais plaisir, pas à celle qui dort depuis si longtemps.

 

Ainsi, partant de ce très célèbre cliché, je me bats avec ce qu'il y a de minable dans la distance entre fiction et réalité :

 

Camille C. extrait de mon film-1.jpg

 

 

 

 Bien qu'il aurait été trop tôt pour connaître la grimace du futur, Dieu merci,

 elle connut la ferveur et la joie (trop peu de temps)

Camille C. extrait de mon film-2.jpg

 

 

 

 

 

 Souillures

Camille C. extrait de mon film-3.jpg

 

 

 

 

 La rebelle volontaire.

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              Camille C. extrait de mon film-5.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Camille C. extrait de mon film-6.jpg

 

 

 

 

Progressivement, comme un animal qu'on (ré)apprivoise

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Camille C. extrait de mon film-7-bis couleur.jpg

 

 

 

 

 

 

 

J'ai pris quelques libertés avec leur couleur que l'on ne connaît pas, ces yeux ''d'un bleu à nul autre pareil'' disait son frère, que j'ai changés d'un montage à l'autre et me suis servi du haut de cette robe en dentelle pour en faire une sorte de patron pour amener les couleurs

Camille C. extrait de mon film-8.jpg











 

 

Camille C. extrait de mon film9.jpg

 

 

 

 

 

                               Comme beaucoup d'artistes de cette fin de siècle,

                               Camille Claudel aimait fort l'art japonais.

                      Camille C. extrait de mon film-10.jpg

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Camille C. extrait de mon film-11.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Camille très souriante montage 25.12.22.jpg

 

 Je n'ai pas d'image des dents de Camille Claudel à ma disposition (celles de l'effroi - 2ème montage - ne sont pas les vraies non plus, le maniement des PAO ne permettant, ouvrant artificiellement sa bouche, que de ne me montrer une cavité avec des dents peu distinctes. Or, si sa santé l'ayant peu à peu privée d'une belle dentition, à l'âge de cette première image, elle était entière). J'avais envie de la voir sourire plus ouvertement.

 

 

        

            

PS 2 : je ne rechangerais absolument pas tout, mais je viens juste (c'est ballot comme on dit aujourd'hui) de découvrir un autre moyen tellement plus simple pour certaines modifications (ci-dessous). 

 

 

Dirait-elle : que vont-ils penser ?! Faire de l'art avec de la technique et ce qu'ils appellent une souris ?

:-) Je le suppose. 

 

 

          Camille avec neural filters découvert le 04.01.23..... 14.jpg

 

 

 

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Camille C. extrait de mon film-12.jpg

 

 

 

 Camille C. extrait d mon film-13conclusion.jpg

 

 

      J'ai encore un post-sriptum que j'ajoute bien des semaines plus tard : Juliette Binoche, qui n'a pas vos yeux, a été choisie pour la suite de l'histoire, durant cet internement. On a bien fait. Elle est extraordinaire. J'ai regardé le film 2 fois. Il est difficile de se plaindre, mais ce genre de bouleversement est vraiment douloureux. Je ne suis pourtant pas dans votre peau et ne m'en plaindrai jamais. 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                        Corine

 

 

 

 

 

 

 

 



02/01/2023
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