Mi(s)ScellaneaCorine

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Le bon coeur des enfants !

 

Ah, le coeur des enfants.

Nous gardons en nous plusieurs âges. J'aime notamment les joyeuses bêtises de l'enfance - dont les miennes, la logique simpliste que l'on perd avec nos aboutissements honorables d'adultes.

Ce qui suit n'est pas ce dont je suis le plus fière, mais j'en ris depuis longtemps.

 

 

 

 

Tout ce que je voyais, moi, c'est que ma grand-mère maternelle Jeannette se désolait toujours de la perte de son mari Edouard et que ce soir-là, elle conduisait, toujours éplorée devant moi. Pas moyen de me souvenir de ce grand-père, mais elle le regrettait de toutes ses larmes. Il fallait les sécher et j'étais une très gentille petite fille. Beaucoup le disait et moi aussi, c'est ce que je pensais, je voulais le bien des gens, des gentils et de ceux qui pleuraient. A mon avis tout neuf d'alors, c'était les mêmes.

Il fallait fabriquer un autre futur pour ma Mamie aux yeux cernés.

A l'arrière de l'auto, cherchant une solution, en charmante bambine, je la trouvai : « oh après tout, ma grand-mère Ninie est toujours malade, alors un jour, elle mourra et tu pourras épouser Papy Fernand ».

Les enfants ne sont pas étrangers à la rancoeur. Toute brave que j'étais, je n'aimais pas que l'on me fasse mal ; qu'un membre proche de la famille dont on attendait un rôle protecteur ne m'aime pas en faisait partie. Or ma coquette grand-mère maternelle Ninie m'avait, alors que j'étais à peine en âge de comprendre, entre autres amabilités, jeté à la figure : « toi je ne t'aime pas, je n'aime que ton frère » (quel manque de goût !InnocentRigolant)

J'ignorai ce que « malade des nerfs », explication que l'on donnait très vite aux emportements de Ninie signifiait, mais cela semblait la couvrir de la sorte des balles d'une possible querelle. Sauf avec moi qui lui tenais tête (tant qu'à faire, autant ne pas être aimée pour quelque chose). Je retenais que malade si souvent, bien que mignonne et ayant plutôt bonne mine, elle s'en irait sûrement au même pays qu'Edouard disparu quant à lui soudainement, sans y penser lui-même, ni avertir personne, du coup.

Très souvent, j'entendais Nine dire au téléphone, ou aux côtés de ma mère : « je broie du noir ». Donc tout ça, c'était sa faute, c'est qu'elle broyait beaucoup trop, ça avait dû la fatiguer. « Il faut savoir s'arrêter, Mamie ! » pensais-je sans le dire. Elle nous avait jamais demander de broyer avec elle non plus. On aurait pu l'aider. Si c'était pour s'en plaindre après, aussi... Il faut savoir ce qu'on veut.

Des nerfs, ou de quoi, ou qu'est-ce, elle s'en irait donc voler dans les nuages au lieu de broyer pour rien. Son époux Fernand pleurerait quelque temps, mais c'était un sage et, argument réconfortant, lui m'aimait et moi aussi, mon cher grand-père, mon premier ami et confident, si gentil. Il serait consolé.

Et kirikiki, tout le monde serait content et ma grand-mère Ninie calmerait sa tension qu'elle avait pour de rien auprès de Papy Edouard à qui elle raconterait où en était la famille parce que d'en haut, on ne voit pas toujours bien. Ils s'enverraient des nuages comme des polochons, pour rire parce qu'elle réapprendrait à savoir jouer. Elle planerait enfin.

Fernand, quand elle était auprès de lui, de nous, faisait tout pour elle, mais c'est la terre qui devait lui peser. Ca ne lui convenait pas, c'est pour ça qu'elle n'était pas contente. Une question d'altitude.

Plus de souci.

 

 

 

Toujours est-il que dans l'état actuel de la morosité s'installant sans gêne dans la voiture de Jeannette, l'issue du problème, je l'avais. Son malheur aux yeux battus ne serait pas éternel.

2 veufs, homme et femme, 2 grands-parents libres sur terre. Ainsi que des oiseaux, on assemblerait Fernand et Jeannette, sans cage, sans barreaux, mais sans balançoire (on peut pas tout avoir). Et voilà, tout était déjà réglé. Une question de temps (un enfant, le front honnêtement lisse de son innocence, peut être immoral).

 

Et moi j'enlèverais ma coquille d'oeuf du sommet de mon crâne devant mon frère ébahi. Je prendrais des formes court, long, carré et je longerais les murs jusqu'au plafond avec Mme Peel, avant d'aller courir sur les rives avec Andrea Balestri et mon meilleur ami Didier de la vraie vie. Dans un monde, parfait, on rentre dans les programmes qu'on veut. Il faudrait juste faire attention à ce que Didier, toujours curieux, n'aille pas faire encore plus de bêtises que moi, ce qui n'était pas impossible. Qu'on aille pas faire imploser la télé et nous avec. 

 


Je revins sur terre et en conscience sur mon coussin de voiture. Nous roulions et j'échafaudais les contre-malheurs. « (…) et tu pourras épouser Papy ». On en était là.

 

J'étais assez satisfaite, c'était juste qu'elle n'y avait pas pensé, à se remarier.

Une seconde ou deux passa. Une réponse d'adulte qui ne sort pas de la bouche tout de suite, c'est mauvais signe. Ca fait peur. Qu'est-ce j'ai dit ? Elle est vexée ? Il est beau mon grand-père !

Mais grand-mère Jeannette eut un rire un peu jaune et elle me dit le fort décevant pour une enfant qui déploie tant d'efforts pour aider : « ça ne se passe pas tout à fait comme ça »

Les adultes, c'est compliqué.

Je n'y pensais plus.

 

Je ne savais pas moi, qu'il y a des gens qui ne se rencontrent pas et en savais encore moins sur les préjugés sociaux.

Ma grand-mère Jeannette avait travaillé comme arpète et beaucoup « bourlingué » (terme qu'elle employait souvent). Douée et très appréciée comme couturière, elle avait abandonné son métier, cédant à la demande de son mari fort persuasif pour l'aider dans son entreprise où leurs volontés jointes, ils firent du beau travail, assez fusionnels, je suppose.

Mon grand-père Fernand était un diplômé d'une nature tranquille, se rendant néanmoins sur des terrains où un jour, il perdit la santé. Longtemps arrêté, il repris le travail jusqu'à sa retraite. Même s'il n'avait aucun compte à rendre, je crois qu'elle oubliait qu'il était le seul lettré d'une famille de 12 ou 13 enfants (dont la majorité morts en bas âge) et aucunement né avec une cuillère d'argent dans la bouche (et où aurait été le mal ? ). Sa mère ne savait d'ailleurs pas lire.

Ma grand-mère se considérait comme laborieuse, travailla tard auprès de son fils, aménageant ses horaires comme elle le souhaitait.

Mon grand-père à la retraite, lisait, ce dont il aurait pu se contenter, mais il passait aussi l'aspirateur, faisait des gratins de pâtes, des biscuits et d'excellents gâteaux, arrosait les fleurs, s'occupait de sa petite-fille, faisait la soupe pour sa fille et sa famille chaque soir (avant de rentrer chez lui) et servait le petit-déjeuner à son épouse Ninie. Un Papy-poule qui n'avait peur de rien pour lui, mais s'inquiétait pour les siens.

Le coup des nouveaux tourtereaux ne pouvait rester qu'une fiction germant un soir en urgence dans ma petite tête de piaf !

Bien d'autres faits et valeurs les auraient séparés, mais ça, qu'en savais-je ?

 

 

Pardon Mamie Ninie, pardon Papy !Clin d'œil

Le courant entre ma grand-mère Ninie et moi mis des années à passer, disjoncta fréquemment, mais ne coupa plus. Elle vécut environ 25 années supplémentaires. Elle avait bon cœur.

Ma grand-mère Jeannette resta veuve et paranoïaque une bonne dizaine d'années après la scène de la voiture avant de suivre son cher Edouard. Je crois qu'elle ne connut vraiment que lui. Après s'être rendue malheureuse pourtant entourée, elle rendit l'âme sans nous avoir compris, le jour de la naissance de son premier petit-fils. La seule chance est qu'elle n'eut pas le temps de le savoir.

Pour terminer plus gaiement, Ninie mis des années, mais broya moins fréquemment. Elle préféra mettre du noir dans son café, à côté des biscottes. Elle s'éteint avant de rejoindre Fernand qui l'attendait patiemment, comme d'habitude, depuis 18 ans.

Je crois qu'il faut voir regarder ceux qui existent, c'est ce qui avait dû faire défaut chez Jeannette.

 

Les barrières n'existent plus. Ils nous regardent tous du haut de leur sérénité.

 

                                                                      Corine

 

 

 



02/04/2020
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