Encore une nuit à rêver au sommeil
Je ne vais pas tricher : ce n'est pas un nouveau texte. Je ne suis pas poétesse, mais j'avais néanmoins fait en 2013 ce poème - parmi d'autres - sur les insomnies (dont je ne souffre pas vraiment, d'ailleurs. Si j'ai un problème pour attraper le sommeil, une fois pris, je le lâche le moins vite possible dans la mesure où c'est possible dans l'organisation !).
C'est souvent le cas quand on se relit des années plus tard : il y a des passages que l'on écrirait différemment, mais je le laisse tel qu'il était.
Le petit personnage à la fin, je regrette de ne pas l'avoir nommé : Frimousse, si doux et fusionnel.
Encore une nuit ... à rêver au sommeil
Encore une nuit avérée sans merci
Où le poids du passé s’étire à l’infini,
Profilé, l'oxymore de son âpre répit
Comme s'il fallait payer la facture de nos fautes
Comme si le temps pressait de voir les blessures
Comme si la liste d'un mot allongeait son allure
Tant et plus chaque jour, reposant la question...
Refuseur(*) de quiétude, éconduiseur (*) de reddition
Brandissant la menace de ces heures décuplées
En mornes face à face qu'elles aiment éterniser.
Le ciel étouffe son jour et sa longueur oblongue
Il noircit, couche et ferme son étoile désolée
Accorte, mais impuissante, force est de s'incliner.
Crépuscule aux prémices, déconcertant visage, préparant son mensonge.
Privant de ses pouvoirs le généreux génie d'une sphère onirique
Là où s'ouvrent les rêves de vallons envolés, de fuites analgésiques.
L'astre est levé, si beau que l'on ne peut lui reprocher
Sa candeur incrédule qu'une trêve soit dévorée
Lui garder dure rancune malgré l'acharnement.
Coutumière, l'heure opère son démembrement...
Et les heures blanchies, se plantent, tournent et s'allongent.
Et le poids du futur rejoint celui du présent, répondant au passé
Terrassant fardeau de ces cumuls de temps en ce soir conjugués.
Où, bien que les fuyant, plissant fort les yeux, les images s'invitent, pleureuses sans prières
Empruntant ce chemin qu'elles connaissent par cœur, de derrière nos paupières
Pour peupler ces instants où l’on n'a que faire de ces fichues leçons
Ce n’est pas le moment : on ne peut ni lutter et encore moins vaincre.
Quel est le dessein de ces films floutés, cette mémoire enfermée, oubliant le pardon
Déplorable victime de son infirmité à se laisser convaincre.
Cette plage de torpeur conçue comme évidence tord sa peine ouvrière,
Vouée au diapason du chant du repos, elle nous damne en ses tiers
Trompant sa nature, elle cesse le métier de nous réinventer,
Et n'a su qu'acquiescer à la creuse dystopie de la blanche insomnie,
Tuer pour cette nuit les châteaux rebâtis, les espoirs nourris
Muets, nos garde-fous radiant la foison de tensions pulsatiles
Ce sera pour demain, seules parlent et dominent ces livides aiguilles
Qui ne savent que faire, qui ne savent que dire et nous ré-asséner
Que nous compterons ce soir encore au nombre des damnés
Refusés d'inscription sur le parchemin du droit à l’inconscience.
La magie infuse de ces obscurités qui, si loin, envoûtent
Aux quémandeurs, inquiets d’être exclus des lois universelles
Ne daigne en ses précaires réponses ne laisser que déroute.
Il faudra ce matin gommer les stigmates de ces luttes fermées, en blâmes codicilles
De familiers fantômes que nous avons laissé entrer dans notre intimité
Inouïs ineffables venus s'asseoir dans l'excès immobile de cette éternité
Leur faisant don d'heures à les raisonner, qu’ils consentent à comprendre
Que leur cœur prenne foi, qu'ils cessent de grincer
Que les ponts sont démolis, qu’on veut les mutiler
Nous tenant pour infidèles aux préceptes donnés.
Leurs paroles d'ambre, ils ignorent qu'on a liées,
Placées dans ce coffret, puis vécu à les apprendre
Conscients que leur passage n'était pas simplement
Celui de leur temps, que bien plus qu'un testament
Il instille une large part dont le futur dépend.
Il va falloir monter, polir le masque, cacher l'effet retard
de ce poison d'un arrêt sans arrêt qui nous laisse épars
Tenir tête droite, jouer aux invincibles, taire ce qui nous mine
Boire l'antidote de ce jour dauphin, qui rassure et domine.
Je te regarde là, si différent de moi
Toi mon infaillible ami, toi, mon véritable complice
Qui clos tes prunelles bleutées, sur ton monde méconnaissant l'opprobre
Sans qu’un larsen ne vienne brouiller l'harmonie de ta musique propre
Qui n’a pas à lutter contre un quelconque remords, contre de vains retours
Et, il est vrai, stériles, mais qu'on ne peut prévoir, qui nous prennent à rebours
Entre 2 équinoxes, entre cent paradoxes
Toi qui vis sans calcul, apaisant sans l'éteindre la lumière intérieure
Donne accueil à ta nuit, sachant t'y livrer, jouer dans ses lueurs.
Ton somme, si légitime, je ne peux te l’envier.
Mon si tendre félin, dans les bras de Morphée.
Tu l’as bien mérité, tu es fait d'innocence
Tu m’as dit le chemin j’en ai perdu la route
Le sommeil m’a refusé la fleur de l'oubli
Ou je n'ai su, septique, appuyer mon écoute.
J'attends mon tour de manège noctambule
J'attraperai promptement ce fil ténu,
Ce fameux fil de tulle, ce presque inattendu
Celui qui hissera enfin les voiles du départ
Bras ouverts, tendus, derrière ces bagarres
Vers la prochaine étape, vers ce noir soleil
De ma prochaine éclipse, mon Éclipse Sommeil.
Corine
(*) Néologismes affirmés !
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